Quand la technologie relie les nations
UDITIS et l’aventure du carnet ATA digital à Melbourne
À première vue, difficile d’imaginer qu’un simple document douanier puisse rassembler 80 pays autour d’une même table. Et pourtant, c’est bien ce que fait le carnet ATA, un passeport pour les marchandises utilisé depuis plus de 60 ans par les entreprises et privés du monde entier. Et aujourd’hui, c’est UDITIS qui en pilote la transformation digitale à l’échelle mondiale, sur mandat de la Chambre International de commerce (ICC) et en collaboration avec les douanes.
Hervé Sanglard s’est envolé pour Melbourne, où se tenait le comité international ATA (WATAC) ainsi que le 14ᵉ World Chambers Congress (14WCC) organisé par la World Chambers Federation et la Victorian Chamber of Commerce and Industry, un événement majeur, réunissant plus de 1 000 acteurs issus de 100 pays : chambres de commerce, gouvernements, experts et entreprises. Melbourne a aussi permis des rencontres enthousiasmantes avec les douanes australiennes et la Victorian Chamber of Commerce and Industry.
Ce voyage fut également l’opportunité pour le groupe de projet eATA de se retrouver pour préparer la dernière étape de la mise en service du carnet ATA digital qui devrait intervenir en 2026 après 10 ans de gestation, en collaboration avec les douanes. « On n’est plus dans la théorie. En avril prochain, un exportateur pourra présenter son carnet ATA directement sur son téléphone, et dédouaner sa marchandise via un QR code, à la manière d’une carte d’embarquement. » Une petite révolution pour les entreprises, mais aussi pour les douanes, qui sont en train de se former à ces nouveaux outils.
« Cela fait dix ans qu’on travaille avec les mêmes interlocuteurs, des responsables des chambres de commerce, des douaniers, des experts, des ingénieurs...
On se retrouve souvent pour mettre cela au point, on est devenus amis, on tire à la même corde. »
Au-delà du code et des protocoles, Hervé voit dans cette aventure une dimension profondément humaine.
« Cela fait dix ans qu’on travaille avec les mêmes interlocuteurs, des responsables des chambres de commerce, des douaniers, des experts, des ingénieurs... On se retrouve souvent pour mettre cela au point, on est devenus amis, on tire à la même corde. » L’équipe projet a même pris l’habitude de bouleverser l’agenda des comités WATAC et ATAC et d’y intégrer des workshops en live où chaque participant teste le carnet digital sur son smartphone, échange ses impressions, découvre les défauts d’UX, les bugs… et les forces de l’outil. « C’est dans ces moments que tu t’aperçois que la technologie peut créer des liens entre les humains. »
L’histoire d’une idée née en Suisse
Pour Hervé, l’aventure commence en 2014. À l’époque, ICC et les pays signataires de la convention ATA cherchent à moderniser un système entièrement basé sur le papier. « Le carnet ATA, c’est un peu comme un passeport pour les marchandises. Il permet de traverser les frontières avec certaines marchandises et outils de travail et de revenir, sans payer de taxes, pour autant que cela soit temporaire. Mais chaque passage est vérifié par la douane, tamponné et transmis manuellement pour appariement afin de détecter les irrégularités éventuelles, c’est très lourd », explique Hervé.
« L’outil devait être mobile, simple, sécurisé.
Je voyais déjà le douanier scanner un QR code
et valider en temps réel une transaction »
Consultant pour la Chambre internationale de commerce (ICC), il imagine en 2015 un tout autre modèle : un carnet 100 % dématérialisé, utilisable depuis un simple smartphone, à l’image d’une carte d’embarquement.
« L’outil devait être mobile, simple, sécurisé. Je voyais déjà le douanier scanner un QR code et valider en temps réel une transaction », se souvient-il.
L’idée est présentée à New York en 2015 et séduit. La phase de conception et de prototypage est confiée à WebExpert. En 2018, WebExpert, qui va fusionner avec UDITIS la même année, remporte le mandat de développement et devient à la fois concepteur, architecte, chargé du développement et de l’exploitation de cette plateforme d’un nouveau type. Depuis, une équipe d’une dizaine de collaborateurs UDITIS travaille sans relâche sur la plateforme ATA Carnet System (ACS).
« Nous avons dû penser un outil capable de dialoguer à terme avec plus 80 administrations différentes en tenant compte de quelques disparités. »
Le système repose sur un carnet 100% digitalisé et des transactions électroniques signées numériquement, stockées dans un cloud sécurisé. « Nous avons dû penser un outil capable de dialoguer à terme avec plus 80 administrations différentes en tenant compte de quelques disparités. » Le projet est désormais en phase finale de préparation :
- mise en production prévue pour avril 2026,
- 4 territoires douaniers au minimum (Union Européenne, Royaume-Uni, Suisse, Norvège),
- puis une phase de transition de deux ans où le papier et le digital coexisteront.
Ce que prépare UDITIS, en collaboration étroite avec ICC et les douanes, dépasse le cadre d’un simple projet IT. C’est probablement la première transformation digitale d’une formalité douanière au niveau mondial utilisée par des milliers d’entreprises et privés à l’international : bijoutiers et horlogers, musées, constructeurs, compagnies de spectacle… Une fois la transition mondiale terminée, le papier disparaîtra.
Et ce jour-là, quelque part entre Genève et Oslo, une idée née en Suisse aura définitivement changé la manière dont l’admission temporaire est gérée. UDITIS, à travers ce projet, prouve une nouvelle fois sa capacité à conjuguer vision, innovation et compétences, en mettant la technologie au service de l’économie.